En 2022, l'ONG locale Stand with a Girl Child a financé 20 femmes pour les aider à développer leurs petites entreprises. Ces femmes ont mis en commun leurs ressources dans un groupe Adashe, un système traditionnel d'épargne nigérian où les membres contribuent périodiquement une somme fixe, le total étant ensuite remis à chaque membre à tour de rôle. Malheureusement, certaines participantes ont cessé de contribuer après avoir reçu leur part, laissant les autres membres supporter d'importantes pertes financières.
L'Adashe, également appelé Ajo ou Esusu dans d'autres régions du Nigeria, repose sur la confiance et l'entraide mutuelle. Ce système traditionnel d'épargne permet aux individus, en particulier aux femmes, de réunir et d'accéder à des sommes importantes pour des besoins urgents. Cependant, la nature informelle de ce système pose certains problèmes. En l'absence de toute réglementation, les membres défaillants laissent souvent les autres subir des pertes financières. Ce problème est aggravé dans les communautés déplacées où l'instabilité économique, combinée à l'absence de services financiers formels, rend ces systèmes à la fois essentiels et vulnérables.
La situation est encore plus compliquée par l'insurrection de Boko Haram dans le nord-est du Nigeria, qui a ravagé les infrastructures sanitaires de cette région. Les insurgés ont détruit environ 788 établissements de santé. Dans l'État de Borno uniquement, 48 agents de santé ont été tués et plus de 250 blessés. Cela a considérablement limité l'accès aux services de santé essentiels, aggravant la misère des communautés déjà très vulnérables.
L'histoire d'Ayuba illustre la résilience face à l'adversité. Après le décès de son mari, elle a parcouru plus de 1 200 kilomètres pour se rendre à Maiduguri, la capitale de l'État de Borno, en quête d'une nouvelle vie. Son fils Daniel a également été grièvement blessé lors d'une explosion de bombe pendant une attaque du groupe Boko Haram. Le traitement médical pour ses blessures a épuisé toutes leurs économies. La famille a déménagé à Abuja dans l'espoir de trouver de meilleurs services de santé. Pendant un temps, le gouvernement leur a fourni de la nourriture, du savon, des vêtements et des moustiquaires. Avec le temps, le camp est devenu surpeuplé et les ressources se sont raréfiées ; Ayuba, comme beaucoup d'autres, a eu du mal à subvenir à ses besoins de base.
Malgré les défis, Ayuba a rejoint un groupe Adashe composé de cinq femmes, où chaque membre contribue 500 ₦ par jour. À la fin du mois, le montant collectif de 75 000 ₦ est partagé entre deux membres, leur permettant de recevoir plus de 35 000 ₦ chacune. Cette somme dépasse le salaire minimum au Nigeria et a été cruciale pour permettre à Ayuba de subvenir à ses besoins, à ceux de sa famille, et aux 12 enfants sous sa protection, dont plusieurs sont orphelins à cause du conflit. Avec ses économies, Ayuba s'assure que tous les enfants vont à l'école et répond à d'autres besoins essentiels.
Cependant, les défis économiques, associés à la destruction des infrastructures sanitaires, exercent une énorme pression sur des personnes comme Ayuba. En l'absence de services de santé accessibles, les urgences médicales épuisent les économies personnelles, plongeant les familles dans la précarité. De plus, la nature informelle des groupes Adashe laisse leurs membres sans les garanties offertes par des institutions financières formelles en cas de défaut de paiement par certains participants.
Pour répondre à ces défis interconnectés, plusieurs initiatives sont nécessaires :
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Reconstruction et renforcement des infrastructures sanitaires
Reconstruire les établissements de santé détruits, les doter de personnel et de matériel adéquats est essentiel. Une meilleure accessibilité aux services de santé réduirait les coûts pour les familles et le stress lié aux urgences médicales. La restauration des infrastructures sanitaires dans les zones de conflit devrait être une priorité pour les gouvernements et les organisations internationales afin d'améliorer la résilience communautaire.
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Soutien et réglementation des groupes d'épargne informels
Les pratiques de gestion des groupes Adashe doivent être améliorées grâce à des formations et un soutien en ressources afin de réduire les risques. Des cadres réglementaires minimaux ou une intégration dans des institutions financières formelles pourraient offrir une protection supplémentaire. Par exemple, relier les groupes Adashe à des banques de microfinance introduirait un contrôle et garantirait la sécurité des contributions des membres.
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Programmes d'autonomisation économique
Des initiatives d'éducation financière, de formation professionnelle et d'accès à des microcrédits aident les femmes à établir des moyens de subsistance durables, réduisant ainsi leur dépendance aux systèmes d'épargne informels. Ces programmes leur fournissent les compétences et les ressources nécessaires pour atteindre une stabilité économique à long terme.
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Éducation et sensibilisation
L'éducation est l'un des aspects les plus importants du développement durable. Pour des femmes comme Ayuba, investir dans l'éducation des enfants assure l'avenir de la prochaine génération. Les gouvernements et les ONG devraient prioriser des initiatives d'éducation abordables et offrir des bourses aux enfants issus de ces communautés déplacées.
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Engagement communautaire et renforcement de la confiance
La confiance communautaire est essentielle pour le succès des groupes d'épargne informels. Une communication ouverte et une transparence dans les questions financières contribueront à restaurer la confiance des membres. Les leaders communautaires et les ONG peuvent également jouer un rôle clé dans le renforcement de la coopération et de la responsabilité au sein de ces groupes.
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Partenariats avec des organisations internationales
Les collaborations internationales peuvent fournir des ressources et une expertise indispensables à ces communautés déplacées. De tels partenariats permettraient de reconstruire les infrastructures sanitaires, d'offrir un soutien financier et de mettre en œuvre des programmes adaptés aux besoins des populations concernées.
Ces défis interconnectés l'instabilité économique, le manque d'accès aux soins de santé et les systèmes d'épargne informels révèlent la résilience et l'ingéniosité des populations touchées par les conflits. Malgré des difficultés immenses, des femmes comme Ayuba font d'énormes sacrifices pour soutenir leurs familles et leurs communautés.
Une approche multidimensionnelle, comprenant la reconstruction des infrastructures sanitaires, le soutien aux systèmes d'épargne informels, des programmes d'autonomisation économique et l'éducation, est nécessaire. En renforçant la résilience et en fournissant un soutien ciblé, les parties prenantes peuvent créer un environnement propice permettant aux femmes et à leurs communautés de reconstruire leur vie et de prospérer. Ensemble, ces efforts peuvent transformer les adversités en opportunités de croissance et de stabilité.